


échos encore échos
On se retrouve, tu comprends ? Je suis encore là : c’est moi, c’est moi tout le temps ; moi dans mon petit moi qui t’écoute, qui t’écoute encore, qui t’écoute tout le temps. / C’est sa voix éraillée ou le ton moqueur, qui émeut, peut-être. On fait comment ? Salut, ta voix m’émeut, ça va ? / On finira en mille morceaux. // Tu n’as pas donné le prénom de La Femme, alors je choisis. / Noms des femmes que je trouve séduisantes : prénom vide, le nom. / Elle rit. / Mélodie, Céleste, Albertine ? / J’officie dans la crypte, parodie de moi-même, rat de bibliothèque, curé. / Fuckboy ? / Incel ? / Curé. / Writers will write. / Un baptême, un baptême pas comme les autres : on parlait d’Éros et c’est Rose qui riait. /// Les fleurs poussent, arrangements, les fleurs fanent, mélodies, c’est la fin de l’année. / Couplet, refrain : la fatigue prend trop de place, fatigue sur les murs, fatigue dans ma tête, fatigue dans les fleurs, l’été est fini. /// Il y a assez de musique dans mes paroles, et de la joliesse, de la joliesse extrême. Tu es mon ami, alors tu peux me confier comment elle dépose son crayon pour se faire un tel œil de chat, comment aussi précisément autour de l’œil, l’œil un chat bleu. Comment ? Je fais d’elle seulement un œil ? Mon œil ? Coupable mon œil : je mens. Le temps passe, mais je n’oublie pas, je n’oublie rien, c’est la seule maladie qui m’épargne. / Tout en phrases qui plongent, loin de la lumière. Regarde, Louis : Léman c’est la Suisse, et toi l’amant. // Amours univoques, oui, mystère, désirs désespérés. Silver fox ? Rose rit. /// Céleste parle : je n’ai pas fini ma ligne que l’hiver est arrivé. // Vous courez longtemps après des images, promis. Décrochez. Sur nos tombes : ils avaient comme métier de vendre du rêve, la plus belle façon de se planter. // Quand je suis trop ému : Ativan. Les médecins l’ignorent, je traite la beauté. Je m’étends de mon long sur le fauteuil, couverture lestée. Tu navigues le fleuve en catamaran, près des îles de Saint-Ignace, salue Ducharme, je regrette nos expéditions en forêt. /// Je continue d’apprendre à perdre, c’est un travail acharné. / Regarde bien mon loup,ses yeux de chat : on parlait d’Éros et c’est Rose qui riait.
Alain Farah





Prochain Épilogue
sur le bord de ma main dans le creux des vagues dans la vitesse orange dans l’escalade de ton dos dans la frange de la comète dans l’épaisseur bleue foncée du vide dans les lignes faites pour le sable dans la profondeur de l’espace dans la fibre de la corde tendue dans l’arbre dans l’été relevé par l’aventure dans la course des poussières dans l’histoire courte de nos vies dans l’abri où l’aventure est écrite dans l’intervalle entre les signes dans l’attente du signal dans la ligne de l’angle obtu qui dessine la cime dans le moment où tu te cambrais j’alignais les pierres sur la montagne j’admirais le retour des oiseaux aux coordonnées exactes je rangeais le gabarit j’emportais le souffle d’une aspiration parlée j’enfreignais l’impossibilité de vivre à l’endroit j’absorbais la sueur de l’éther je découvrais un nid dans une brèche je me répétais un secret je faisais fi du tissu de mensonges sur tes épaules je lorgnais du côté du gâteau des anges je parlais en respirant je cueillais ta voix j’allais là-bas j’écoutais le déclic des fissures géologiques je restais là je retrouvais les provisions j’inventais la clé millénaire perdue de l’avion retrouvé j’évaluais l’ambiance atmosphérique je corrigeais la valeur je filais l’apesanteur à tes cheveux j’y rattrapais les ballons envolés * maintenant au camp dans une tente sous vide il reste un échantillon du mirage le début et la fin d’un livre un pétale incandescent un spécimen de la folie des âmes qui brûle comme un glaçon dans l’engrenage sans fin d’une photographie non développée je le laisse dans sa brume les alpinistes fous en font leurs légendes et je trace en empruntant la malédiction des sommets
(le chemin qu’on décrit de nos jours comme celui adapté à des bottes sur mesure faites pour qui se spécialise à courir lentement sur les pianos)
Sébastien B Gagnon




Participaction
Il y a des millions de façons de perdre. À l’horizon qui ne ferme plus les yeux c’est une ligne muette qui se trace une armoire fermée où la poussière danse. C’est toi debout immobile c’est la longueur de l’os puis son craquement c’est un désert orange les cils du lac toutes les formes que prennent l’été c’est un pied dans le vide une poitrine qui se soulève c’est l’odeur de ce qui brûle qui fond qui boue. C’est l’amour le creux à l’oreiller c’est quelque chose au loin une chaise qui berce une bête qui gratte c’est ce que tu attends qui ne viendra pas du moins, pas maintenant.
Marie-Élaine Guay




Muse Moderne
J’aurais voulu des tempêtes Des chars qui crashent sur des panneaux Des toits qui vrillent dans le ciel Des dérèglements météo Des tsunamis de piscines hors-terre J’aurais voulu entendre une alarme stridente Quelque chose qui annonce l’urgence Un gros bruit qui m’aurait dit « Va pas là Sauve-toi Recule » Le flight pas le freeze Ce chemin que je connais tant Comme si j’avais rien entendu Trop occupé par une idée du real Que le réel m’est rentré dedans Comme un loser du quotidien Encore sonné par le constat : Y’a rien de sacré quand t'es pas là Même si t’es partout je le sens, je le vois Mes journées se passent, anonymes Et moi figé dedans, sans triomphe sans émoi J’aurais voulu des façons de fuir Un bunker, une cabane, un abri qui protège du froid Un manteau chaud contre les détachements Un nettoyage de tête de bord de fleuve, la thérapie par les grands vents Je cherche encore cette forêt Cet endroit peace en dehors de toi De l’idée que je me fais de toi De mon envie de croire en toute Qui part chaque fois que tu t'en vas Ta vie légère et libre qui continue Quand je ne suis pas dedans Quand je réalise au fond Que notre histoire est générique Y’a pas d’éclat ni d’ouragans À part silencieusement À l'intérieur de moi Comme des chocs électriques Je voudrais des matins de soleil Te regarder revivre quand tu te réveilles Te tenir la main Dans un centre d’achats Que tu tiennes la mienne juste pour être là Comme ça, sans raison Mais comme un con j’attends les miettes Et j’y retourne à chaque fois Comme une bibitte qui brûle sur la lumière Tu m'aveugles et je me tire À chaque fois encore plus bas J'aurais voulu que tu voies Mes bras peuvent être une maison Mon coeur un endroit safe Il y avait plein d’espace Plein de place J’aurais voulu être la personne qui reste Mais finalement ça ne se passera pas La vie va continuer de vivre Je te laisserai doucement partir Comme à chaque fois mais pour de bon Je me tiendrai debout Je ne pleurerai pas Je voudrais un peu de chaleur Un moment hors du temps Une musique du matin Une journée de possibles Où je suis là avec un sourire Sans raison, juste en vie Sentir que je n'ai rien à perdre Sans le manque sans pincement C’est fou pareil les moments de lumière Ça s'en vient, je le sens
Marjolaine Beauchamp




Downtown Contrecoeur
certaines choses ont un début distinct : il y a les journées qui commencent à la sonnerie du réveil, les conversations qui s’amorcent au décroché du téléphone, l’année qui s’inaugure après les dernières secondes de décembre, et les grosses pluies qui se déclarent subitement. il y a ce qui commence sans qu’on s’en aperçoive, il y a les douleurs anciennes dont on ne saurait plus retracer les premières apparitions, les amitiés qui naissent au milieu des corvées, l’été qui se défile quand la lumière change quelque part au mois d’août, et la pensée des autres qui m’habite bien avant que je ne sois avec eux.
Camille Readman Prudhomme


échos & co
Allo ! Allo ? Tu m’entends ? Tu es là ? Je t’écoute, moi. J’ai l’impression que tu me parles. Mais oui ! C’est toi, c’est vraiment toi ! Mais...tu ne me dis rien à moi moi. C’est pas grave. // J’ai les paroles, la musique, c’est l’été. Tu ne me dis toujours rien. Tu parles trop à tout le monde. J’ai compris : c’est le wah wah. // Je t’ai reçu, je te reçois. De là, de loin. Ça résonne. Je suis parti. Ça fait longtemps, tu le sais, que je suis parti. Tu m’as envoyé les mots, la musique, mais déjà je n’étais plus là. Tu essaieras aussi. Ça vaut la peine. Il y a de la peine. C’est merveilleux de disparaître. De là, de loin. On reçoit les caresses, mais comme donnée par les ondes. Tu me touches. J’étais sûr de n’avoir plus besoin de rien. // Ça m’a couté trop cher. Elle a, tu le sais, cette façon de déposer le eyeliner sur ses paupières qui me tue. Que je suis incapable d’oublier. Qui irradie ma mémoire. Je n’ai rien oublié. Je suis parti mais je n’ai rien oublié. Il fallait que je me mette au travail. Pour construire, construire, jusqu’à ce que je m’effondre. // Je n’ai jamais été bien. Tu pourrais m’apprendre comment c’est ? Je peux te faire confiance ? Je ne connais même pas ton vrai nom. // Du temps a passé. Tellement de temps. Mais nous sommes encore là. Loin, mais là. // Nous avions cette idée d’escalader la clôture de la piscine au milieu du parc ? De brûler un sac d’excréments sur le porche de chez Johnny ? De manger des bagels au plus noir de la nuit ? Elle a réagi avec froideur quand je lui ai dit que je faisais cent mille. // Allo ! Allo ? // Je suis pas écrivain, je suis policier. // Flashback d’un souvenir qui n’a jamais existé. // Souvenir du temps de la vie encore possible. Promesse d’un jour la retrouver. // Allo. Je t’accueille. Je t’accueille. Toujours plus loin des bruits du monde, en attendant que les fleurs fanent,j’ai le sourire aux lèvres, en attendant de me rendre, en attendant de tout abandonner.
Alain Farah